Ce que révèle le symbole de Stockholm et son histoire

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Trois couronnes dorées sur fond bleu trônent fièrement sur le blason de Stockholm. On les retrouve partout : sur les bâtiments officiels, les maillots des joueurs, jusque dans les stations de métro. Pourtant, derrière cette image familière, se cache une histoire faite de tensions, de pactes fragiles et de rivalités entre voisins nordiques. Ce n’est pas un simple emblème, mais la marque d’une époque où chaque couronne racontait la lutte pour la souveraineté, les ambitions contrariées, et les intrigues d’une Scandinavie moins paisible qu’on ne l’imagine.

La capitale suédoise porte sans le vouloir un héritage complexe, entremêlant symboles de pouvoir et souvenirs de batailles. Sous la surface vernissée, chaque détail du blason ramène à des chapitres oubliés, à des conflits où l’histoire s’écrivait à coups de sceptres et d’alliances éphémères.

Stockholm : une ville, un symbole qui ne laisse personne indifférent

Pour les habitants, Stockholm évoque bien plus qu’une ville posée sur ses quatorze îles. Ailleurs, le nom ressurgit avec une toute autre force, lié à un fait divers qui a marqué l’opinion mondiale en 1973. Le braquage de la Kreditbanken, entre le 23 et le 28 août, a projeté Stockholm sous les projecteurs. Pourtant, ce n’est pas la violence du braquage qui a marqué les esprits, mais une conséquence déroutante, devenue référence en psychiatrie : le fameux syndrome de Stockholm.

L’histoire s’articule autour de deux figures, Jan-Erik Olsson, instigateur du braquage, et Clark Olofsson, son complice, que le premier exige de voir libéré. Quatre employés, Kristin Enmark, Elisabeth Oldgren, Birgitta Lundblad et Sven Safstrom, se retrouvent enfermés dans la chambre forte, cernés par la police.

Lorsque l’épreuve prend fin six jours plus tard, tout bascule : les otages défendent leurs ravisseurs, refusent de témoigner contre eux, s’en prennent à la police. Ce retournement, que le psychiatre Nils Bejerot va décortiquer, sera rapidement baptisé syndrome de Stockholm, un terme aujourd’hui mondialement connu.

    Pour clarifier ce que recouvre cette expression, voici deux aspects fondamentaux :

  • Le syndrome de Stockholm désigne ce scénario où une victime en captivité développe un lien émotionnel fort, parfois de la loyauté, envers son agresseur.
  • Depuis ce fait divers, la capitale suédoise s’est retrouvée associée à une énigme psychologique qui continue d’alimenter la réflexion des spécialistes et du grand public.

Stockholm ne se résume plus à ses quais, à ses palais ou à la douceur de ses îles : la ville s’est imposée dans les discours comme un symbole du mystère humain, déroutant et persistant, qui intrigue autant qu’il déroute psychiatres et enquêteurs.

Le syndrome de Stockholm : ce que révèle vraiment ce phénomène

Le syndrome de Stockholm ne se limite pas à une anecdote criminelle. Il illustre une dynamique psychologique où la victime d’un enlèvement ou d’une séquestration, confrontée à une tension extrême, finit par éprouver de la sympathie, voire de la reconnaissance, pour son ravisseur. Un renversement inattendu, analysé d’abord par Nils Bejerot, puis approfondi par Frank Ochberg, et qu’on observe dans de multiples contextes : prises d’otages, enlèvements, mais aussi violences conjugales ou familiales.

L’apparition de ce lien paradoxal s’explique par l’isolement, la peur et la dépendance totale vis-à-vis de l’agresseur. Plusieurs manifestations concrètes permettent de le repérer :

    Voici les signes typiques qui trahissent ce mécanisme :

  • Perte de recul vis-à-vis du ravisseur
  • Légitimation des actes de l’agresseur, parfois même leur justification
  • Rejet de l’aide extérieure ou de l’entourage
  • Sentiment de gratitude pour des gestes perçus à tort comme protecteurs

Le syndrome s’installe dans une logique d’emprise et de survie : la peur, la solitude, la dépendance affective créent un lien toxique, aussi appelé trauma bonding. On ne le retrouve pas que dans les grands faits divers. Ce schéma s’observe aussi dans des situations de perversion narcissique, de harcèlement ou d’agressions sexuelles répétées.

La prise en charge s’avère complexe. Le mutisme de la victime, son incapacité à s’éloigner de l’auteur des faits, et la fréquence élevée des troubles post-traumatiques rendent l’accompagnement indispensable. Un suivi thérapeutique ciblé aide alors à retrouver de l’autonomie et à reconstruire une identité fragilisée.

symbole stockholm

D’où vient ce phénomène et pourquoi continue-t-il de fasciner ?

Le syndrome de Stockholm surgit, mondialement, lors du braquage de la Kreditbanken, en août 1973. Quatre otages, Kristin Enmark, Elisabeth Oldgren, Birgitta Lundblad et Sven Safstrom, après six jours d’angoisse, manifestent une solidarité déroutante envers leurs ravisseurs, Jan-Erik Olsson et Clark Olofsson. Ce renversement psychologique, suivi de près par les policiers et les psychiatres, donnera son nom au phénomène étudié depuis dans le monde entier.

Depuis, le concept nourrit autant le roman noir que le cinéma ou la recherche. Quelques histoires emblématiques en témoignent :

    Voici quelques exemples célèbres où ce mécanisme s’est manifesté :

  • Patty Hearst, héritière américaine, enlevée en 1974, qui finira par commettre un braquage avec ses ravisseurs de l’Armée de libération symbolique.
  • Natascha Kampusch, kidnappée enfant, séquestrée huit ans, et qui décrira un lien ambivalent avec Wolfgang Priklopil, son geôlier.
  • Elizabeth Smart, enlevée adolescente, qui exprimera de la sollicitude envers ses ravisseurs au moment de sa libération.

Toutefois, le syndrome de Stockholm ne fait pas consensus. Ni le DSM ni la CIM ne le reconnaissent comme diagnostic distinct. Plusieurs chercheurs, dont Cecilia Åse ou Reinhard Haller, s’interrogent sur sa validité scientifique et critiquent parfois l’usage idéologique ou sexiste du concept. Reste que le FBI ou Scotland Yard continuent d’y voir un outil pour comprendre les réactions humaines dans les situations extrêmes, fascinés par sa complexité et l’imprévisibilité de ses effets lors de crises réelles.

Les trois couronnes de Stockholm continuent de scintiller, imperturbables, alors que sous leur éclat s’agite une mécanique psychique que la science ne parvient pas à enfermer dans une case. Un blason qui, derrière sa façade, cache toujours un mystère scandinave persistant, un secret jamais tout à fait dissipé.